THÉORIES DE L’APPRENTISSAGE ET ACTIVITÉS FLE 
par 
Marc Oddou 

 Synthèse ici : theories-apprentissages-fle.pdf

  1. Introduction

        Les théories de l’apprentissage décrivent d’une certaine manière la position de l’enseignant et de l’élève face au savoir ainsi que la posture de l’enseignant face à la mise en place des activités. Pour cette raison, nous verrons comment les 3 courants principaux de l’apprentissage (le béhaviorisme, le cognitivisme et le constructivisme) peuvent nous aider à élaborer des activités pour la classe.

  1. Béhaviorisme, cognitivisme, constructivisme.

    1. Le béhaviorisme(de l’anglais « behavior », comportement) s’intéresse aux comportements observables de l’apprentissage.

John B.Watson a été historiquement le premier à utiliser le terme behaviorisme dans un cours article publié en 1913 :« Psychology as the behaviorist views it » (La Psychologie telle qu’un béhavioriste la voit). Depuis Watson, la notion de comportement sera le noyau dur de la psychologie dite scientifique. Celle-ci doit se centrer sur les choses qui peuvent être observées et formuler des lois uniquement sur ces choses. C’est une approche qui marque une rupture à l’époque et s’inscrit contre l’approche mentaliste.

Les processus mentaux, la boite noire, ne sont pas de l’intérêt des béhavioristes. L’objectif central est de trouver les conditions observables qui amènent la réponse à un stimulus donné (S-R) grâce à un système de renforcements. It views the mind as a “black box” in the sense that response to stimulus can be observed quantitatively, totally ignoring the possibility of thought processes occurring in the mind [ Brenda Mergel, 1998].

À partir des travaux des théories béhavioristes se sont dégagés deux types de conditionnement :

  1. Le conditionnement dit Pavlovien (ou conditionnement classique de type I).

Pavlov (1849-1936) était un physiologue qui ,à partir d’expériences glandulaires sur les chiens, découvrit que si un stimulus externe est présenté de manière répétitive, juste avant de donner la nourriture, l’animal commencera à saliver seulement avec ce stimulus. Pavlov donna le nom de réflexe conditionné à cette réponse. Le conditionnement dit classique est défini comme la réponse conditionnée (RC) qu’un organisme émet devant un stimulus neutre (SN) pour être associé avec un autre stimulus déclenchant cette réponse (SI). De cette façon n’importe quel stimulus associé avec un stimulus inconditionné (présentation de nourriture par exemple) peut produire la réponse facilitée par ce dernier. Ce schéma permet d’expliquer certains processus simples d’apprentissage.

  1. Le conditionnement opérant (ou apprentissage skinnerien de type II) développé par Skinner (1904-1990).

Skinner ajoute aux travaux de Pavlov la notion de renforcement (positif et négatif). Le renforcement positif est l'ajout d'un stimulus agréable alors que le négatif est le retrait d'un stimulus désagréable.

L’application des théories béhavioristes de Skinner a été introduite dans l’enseignement assisté par ordinateur (EAO). Une information découpée est présentée à l’apprenant. A chaque étape, le programme s’assure que l’apprenant a bien compris en lui posant une question. Suivant la réponse, l’utilisateur reçoit un renforcement positif ou négatif et recevra de nouvelles informations avec de nouvelles questions. Il a produit des méthodes telles que l'enseignement programmé, la pédagogie par objectifs et le référentiel de compétences, utiles aux niveaux élémentaires mais peu résistants aux réalités complexes du terrain. [Monique Linard, 2000].

Le béhaviorisme donne à l’enseignant un rôle central puisque c’est lui qui doit créer les conditions environnementales qui vont permettre l’atteinte des objectifs. Au travers d’un système de renforcements positifs et de récompenses, l’enseignant change le comportement des apprenants en provoquant de nouvelles réponses à des stimulus spécifiques. L’apprentissage s’effectue essentiellement par le biais de la répétition et essais-erreurs.

Dans un cours d’initiation FLE l’étudiant doit être amené au départ à mémoriser des règles de grammaire, du vocabulaire. Lorsqu’on débute dans l’apprentissage, il faut bien commencer par apprendre quelque chose. Ce « quelque chose » au début de l’apprentissage d’une langue ce sera quelques « savoirs » (connaissances) sur la langue [Chritine Tagliante, 2005]. La tâche du professeur de langue dans un cours d’initiation est de transmettre ce savoir afin d’offrir les bases de l’apprentissage de la langue.

Pour atteindre ces objectifs de mémorisation d’informations et de vérification du contenu acquis, l’approche béhavioriste est parfaitement adaptée. Sur la base de la théorie de Pavlov on peut imaginer des activités où il est question de mémoriser des notions et d’apprendre par cœur ou acquérir des automatismes. Avec Skinner, l’apprentissage par essais-erreurs est envisageable, ce qui enrichit le nombre d’activités possibles. Pour son application on peut penser par exemple à des exercices d’entraînement sous forme de QCM (questionnaires à choix multiples), des exercices d’appariement et de classement.

2. Le cognitivisme se centre sur les processus mentaux de l’apprenant

En plus du couple stimulus-réponses, l’approche cognitiviste va chercher à savoir ce qui se passe dans la  boite noire  (« black box ») correspondant aux processus mentaux mis en œuvre lors de l’apprentissage. Based on the thought process behind the cognitivi. Changes in cognitivi are observed, and used as indicators as to what is happening inside the learner’s mind. [Schuman, 1996].

Le travail de la recherche des sciences cognitives est de comprendre la manière dont est traitée l’information en analysant comment se réorganise la structure cognitive d’un sujet après avoir assimilé une nouvelle information. L’approche cognitive accorde une grande place au travail de la mémoire, la façon dont celle-ci stocke et rappelle l’information. However, even while accepting such behavioristic concepts, cognitive theorists view learning as involving the acquisition or reorganization of the cognitive structures through which humans process and store information.[Good and Brophy, 1990, pp. 187]. C’est aussi la recherche des mécanismes cognitifs qui entrent en jeu lors de la résolution de problèmes. La psychologie cognitive a beaucoup contribué à éclairer, sans vraiment la résoudre, la complexité des mécanismes de la résolution de problèmes, de la modélisation des connaissances en machine et des conduites des individus en situation réelle de tâche.[Monique Linard, 2000].

L’enseignant doit chercher à mettre en place des conditions d’apprentissages qui vont permettre à l’apprenant de réorganiser sa structure cognitive en faisant appel à sa mémoire. En plus de donner des informations nouvelles (comme les béhavioristes) l’approche cognitiviste incite à développer de nouvelles stratégies d’apprentissage en rendant l’apprenant actif grâce à un traitement cognitif et métacognitif. Les situations d’apprentissage doivent aussi tenir compte de la diversité des apprenants. Par exemple, pour l’apprentissage du FLE, on peut penser à amener l’apprenant à découvrir de par lui-même une règle de grammaire en lui offrant des indices. Toutes les activités où l'apprenant doit faire appel à des informations traitées et stokées dans sa mémoire s'inspirent du courant cognitiviste (exemple simple avec le jeu de "Mémory").

 

3. Le constructivisme se centre sur la manière dont le sujet organise le monde et élabore des connaissances (ses propres connaissances) au travers de ses expériences personnelles et de ses schémas mentaux.

Les travaux liées aux théories cognitivistes vont peu à peu accorder une place centrale à l’apprenant et la manière dont celui-ci construit son savoir. C’est ce que nous allons voir ci-après avec le courant constructiviste. Avec la diffusion progressive des travaux des psychologues cognitivistes (en premier lieu ceux de Jean Piaget dans les années soixante-dix puis ceux de Vigotsky une quinzaine d'années après), l'intérêt pour la construction par l'apprenant de son propre savoir va s'affirmer de plus en plus nettement. [G.L Baron, 1997].

Plus précisément, le constructivisme considère que l’individu assimile les savoirs en fonction de son expérience personnelle et ses schémas mentaux. Based on the premise that we all construct our own perspective of the world, through individual experiences and schema.[Schuman, 1996]. What someone knows is grounded in perception of the physical and social experiences which are comprehended by the mind. [Jonasson, 1991].

En ce sens, le constructivisme se détache fortement des 2 approches précédentes en mettant au centre de l’apprentissage l’apprenant tout en restant dans le prolongement des travaux cognitivistes. Constructivism builds upon behaviorism and cognitivisme in the sense that it accepts multiple perspectives and maintains that learning is a personal interpretation of the world.[ Brenda Mergel, 1998]

On peut dire qu’il existe 2 courants principaux du constructivisme  que l’on peut résumer ainsi :

     1) Un premier courant qui en marque l’origine et qui considère que l’apprentissage est une activité essentiellement individuelle : Piaget (1896-1980). Pour cet auteur, l’apprentissage est le fruit d’une interaction permanente entre le sujet et le milieu, milieu auquel l’individu s’adapte par deux mécanismes indissociables : l’assimilation et l’accommodation [Piaget, [1935] 1969 : 208]. L’individu apprend en marge du contexte social et il est au cœur du processus d’apprentissage. Pour Piaget, le développement précède l’apprentissage et la connaissance est une interprétation active des données de l’expérience par le biais de structures ou de schémas préétablis. Le sujet construit ses connaissances grâce aux interactions avec les objets de son environnement ou phénomènes. L’acquisition est de ce fait une construction.

2) Un deuxième courant qui considère que l’activité est une activité essentiellement sociale : Vygotsky (1896-1934). À la différence de Piaget, Vygotsky insiste sur le contexte social et met l’accent sur les effets de l’interaction sociale.Pour cette raison, dans ce dernier cas, on parlera de constructivisme social ou socio-constructivisme pour souligner l’importance de la dimension sociale dans l’apprentissage. L’idée fondamentale du socio-constructivisme est qu’il est nécessaire de passer d’une psychologie « binaire » (interaction individu-tâche) à une psychologie « ternaire » (interaction individu-tâche-alter). [Jean-Paul Roux, Socio-constructivisme et apprentissages scolaires].

L’attention est portée sur la dimension sociale en jeu dans la construction des savoirs et l’aspect de négociation entre les individus lors d’élaborations de savoirs. Il s’agit de la construction du savoir, mais avec les autres. L’acquisition est une appropriation et c’est l’apprentissage qui pilote le développement. Grâce à sa notion de zone proximale de développement, Vygotsky nous fait comprendre que l’interaction sociale joue un rôle clef dans le progrès cognitif, social interaction plays a fundamental role in the development of cognition [Kearsley, 1994]. Vygotsky souligne également that instruction is most efficient when students engage in activities within a supportive learning environment and when they receive appropriate guidance that is mediated by tools (Vygotsky, 1978, cite par Gilliani et Relan 1997, 231).

Dans le cadre de ces perspectives il s’agit de faciliter l’apprentissage et non de le prescrire. L’enseignant a pour tâche d’amener les apprenants à construire du sens et non d’imposer un modèle en construisant un environnement qui favorise l’apprentissage. Pour l’apprentissage FLE, ces 2 modèles du constructivisme impliquent deux manières différentes de concevoir les activités :

- Dans le cadre d’un constructivisme « pur » comme celui du courant Piagétien, il s’agit d’une pédagogie de la découverte individuelle alors que pour Vygotksy c’est une pédagogie de la médiation. il est possible d’appliquer une pédagogie de la découverte individuelle (interaction individu-tâche) sur la base du constructivisme en offrant des activités d’exploration et de découvertes.

- Dans le cadre du socio-constructivisme nous pouvons tout à fait introduire des outils tels que les échanges asynchrones (forums) ou synchrones (tchats)  afin de produire des activités où l’interaction avec l’autre, la dimension communicationnelle, joue un rôle central dans l’apprentissage. Il s’agit de co-construire (travaux de groupe) au travers de situations dont la résolution exige des régulations sociales.

Pour l’enseignement du FLE, il serait utile de proposer des exercices d’interactions à difficultés croissantes dans le but ,par exemple, de construire à plusieurs un dialogue, de résoudre un problème de compréhension de textes, élaborer un projet… La difficulté pourrait être liée à l’utilisation de certaines structures grammaticales, du vocabulaire employé, des verbes… On peut aussi proposer des activités de découverte et d’exploration.